Un premier roman à l’écriture sensorielle et poétique qui retrace la fuite d’une écorchée vive.
Au début de ce court roman, la narratrice se sent à l’étroit dans sa vie, dans son corps, dans sa relation avec « l’homme » - nom qui dit tout. Femme gelée, « sa peau ne se souvient de rien ». Alors, elle éprouve son corps par tous les moyens, déambulations sans fin, bain dans une mer glaciale. Puis, c’est la fuite, « l’échappée » - sursaut de survie. Elle se débarrasse de ce qui pèse, embarrasse, entrave, renoue avec sa condition animale, avec un rapport sensoriel à la nature et à son propre corps. A l’écoute de ce qui pulse, coule, chatouille, gratte, l’écriture est à l’affût des sensations du corps féminin, et pour mieux les épouser se mue parfois en poème :
« marcher et marcher et marcher une ligne
accélérations arbre arbre arbre
les fleurs empoisonnées parfum opiacé rêves électriques […]
et la danse
danse, danse
ondulations de serpent sous les voiles
les pieds frappent le sol à plat
Princesse animal sauvage, femme fougère
- qui danse et t’hypnotise »
Lou Darsan compose un roman féminin singulier en jouant avec les codes du récit initiatique, traditionnellement masculin. La narratrice en quête de son identité et de sa liberté passe par des épreuves symboliques et poétiques. Un bain au cœur d’une grotte profonde donne lieu à une véritable renaissance, une reconquête de soi et de son corps : « Elle est articulations & cœur & peau & sang. Elle est femme-qui-danse-sous-la montagne ». Elle avance d’un océan à l’autre, au gré de ses mues : « femme-qui-quitte, femme-qui-s’attend, femme-qui-rêve, femme-qui-danse-sous-la-montagne, elle ne cesse de se multiplier, de s’étendre, de devenir ». Jusqu’aux derniers mots libératoires : « Elle est ».
L’Arrachée belle, Lou Darsan, Babel, Actes Sud, 2022, 128 pages.
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