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La Végétarienne, Han Kang

Photo du rédacteur: M.O et Fleur B.M.O et Fleur B.

Dernière mise à jour : 17 janv.


Une femme décide de ne plus manger de viande et tout bascule. Elle qui était si docile, si conventionnelle devient pour son mari « cette femme bizarre et effrayante » ; les membres de sa famille lui apparaissent comme « des étrangers voire des ennemis ». Une étrangeté grandissante gagne Yonghye, son couple, sa famille.  Elle contamine tout le livre et gagne le lecteur.


Han Kang nous fait découvrir l’évolution de cette jeune femme sur cinq années à travers les points de vue successifs de son mari, de son beau-frère et de sa sœur. On tourne ainsi autour de Yonghye sans jamais pouvoir expliquer totalement son comportement. Elle reste impénétrable à nos yeux, comme à ceux de sa famille et peut-être même aux siens.


Non seulement elle devient vegan, mais elle aspire peu à peu à devenir végétale, à être absorbée par la nature, au risque de disparaître. Des rêves et des cauchemars en seraient, selon elle, l’origine. Ne serait-ce pas plutôt sa tâche mongolique de la forme d’un pétale, « d’un vert pâle […] une sorte de trace de photosynthèse – en tout cas quelque chose de végétal » ? Celle-ci semble avoir un pouvoir mystérieux ; elle provoque un bouleversement dans la vie de son beau-frère, entre fantasme érotique et inspiration artistique.


Yonghye se coupe peu à peu d’un monde trop violent : « elle a fini par lâcher le mince cordon qui la reliait au quotidien ». Han Kang dépeint une société coréenne patriarcale, normative et oppressante, autant dans la sphère professionnelle que familiale. Elle en déconstruit les fondements et s’attaque aux différents tabous. Le père, vétéran du Vietnam, exerce une violence extrême sur sa propre fille lors d’une scène de repas de famille particulièrement éprouvante. Les femmes subissent la domination masculine jusque dans leur couple.


Le roman oscille entre réalisme, parfois cru, et fantastique, entre conscient et inconscient, entre normalité et folie. Le lecteur éprouve un sentiment ambivalent d’attraction et répulsion. L’étrangeté subsiste jusqu’à la dernière page ; Yonghye reste une énigme et La Végétarienne aussi.


La Végétarienne, Han Kang, traduit du coréen par Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot, Le Livre de poche, 2015, 212 pages.

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