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Petits travaux pour un palais, Lászlo Krasnahorkai,

Photo du rédacteur: M. O.M. O.

C’est une longue phrase qui se déroule. Pendant cent pages, une voix nous parle, comme ces personnes atteintes de logorrhée que l’on ne peut arrêter. Cette voix, c’est celle de herman melville  - homonyme du grand écrivain mais en lettres minuscules - « un petit bibliothécaire gris » qui souffre d’ « un affaissement de la cheville, plus exactement de l’arche interne du pied » comme il aime à le répéter. Il travaille depuis quarante ans au service du prêt de la New York Public Library, il déteste Manhattan, les promoteurs immobiliers, les pseudo-artistes contemporains et les lecteurs qui dérangent les bibliothécaires. Il s’intéresse à Herman Melville - le vrai - dont il cherche les traces dans New York, à Malcolm Lowry et au dessinateur-architecte Lebbeus Woods qu’il a découvert dans une exposition au MoMA. Surtout, il a une « Grande Idée », un projet fou : il rêve d’une bibliothèque idéale, une tour fermée, un Paradis du Savoir dont les bibliothécaires seraient les gardes, où les livres seraient protégés, à l’abri de la Catastrophe : « les bibliothèques seraient FERMEES, et définitivement les livres seraient non dérangés, non lus, oh, dieux du ciel, c’était si beau, ne serait-ce que de l’imaginer ». Durant ses moments de pause et de loisir, il prend des notes et remplit fébrilement des carnets, comme autant de « petits travaux » pour ce palais.     

 

Hilarant, stupéfiant et absorbant, Petits travaux pour un palais peut se lire d’une traite. On se perd dans ce flux, on se retrouve dans le fil de cette pensée tortueuse et obsessionnelle. Au fil des reprises et des digressions se fait jour une réflexion sur l’art, le savoir, la modernité : herman melville apparaît comme une sorte de double, dérisoire et comique, de l’auteur en proie aux affres de l’écriture : « j’ai commencé, j’ai tout raturé, j’ai recommencé, à nouveau tout raturé, puis, après avoir jeté le carnet et m’être épuisé à tenter de recommencer, j’ai tout envoyé balader, et puis un jour, comme ça, j’ai démarré ».

 

Le style de Lászlo Krasnahorkai est un souffle vivant et puissant qui nous emporte. Il donne le sentiment d’une présence. Celle d’un petit homme et d’un grand écrivain.

 

Petits travaux pour un palais, Lászlo Krasnahorkai, traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly, Cambourakis, 2024, 107 pages.

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