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Photo du rédacteurM. O.

Station Goncourt, 120 ans de prix littéraires, Arnaud Viviant

Avec culture et brio Arnaud Viviant retrace l’histoire des prix littéraires français. Entre essai et pamphlet ce petit livre instruit, réjouit et questionne.


Depuis sa création en 1903 le prix Goncourt a été suivi de beaucoup d’autres. On en recense près de deux mille aujourd’hui en France. Des plus anciens aux plus récents, des plus prestigieux aux plus confidentiels, l’auteur en évoque quelques uns tout en s’intéressant surtout au doyen, au plus vendeur de la rentrée littéraire. Il rappelle des épisodes connus - l’échec de L-F Céline face à Mazeline en 1932, celui de Proust en 1913 rattrapé en 1919 - et en raconte d’autres qui le sont moins. On apprend ainsi que Julie Gautier (la fille de Théophile) fut la première femme jurée au Goncourt en 1910 et Elsa Triolet la première à recevoir le prix en 1945. On découvre pourquoi et comment le prix Novembre est devenu le prix Décembre. On s’aperçoit que le nom du Booker Price n’a rien à voir avec le mot book. Et on est ravis de savoir que le prix Andreï Bely en Russie rapporte à son lauréat une bouteille de vodka, une pomme et un rouble. Ou encore que le Suisse Jacques Chessex a reçu après son prix Goncourt de 1967 de nombreux cadeaux de ses compatriotes parmi lesquels des bouteilles de vin et des saucissons déjà cuits!


Petit livre léger pourrait-on croire? Pas vraiment, puisqu’à travers cet historique et ces nombreuses anecdotes il est question d’argent et de démocratie, ce qui n’est pas rien. Quelle est l’indépendance et la sécurité financière de l’écrivain? Il n’existe pas de statut d’intermittent de la littérature ; certains vivent de peu, la plupart exercent un autre métier plus lucratif. Les sommes liées aux prix ne sont donc pas à dédaigner, même pour Thomas Bernhard qui dénonce le prix d’Etat autrichien de la littérature mais reconnait : « A chaque fois que je pensais à la dotation de vingt-cinq mille shillings j’étais d’accord pour recevoir le prix, malgré tout ce qu’il avait d’abject et de répugnant. » Ecrire, ou lire devient un privilège : « Il est là, le luxe, le vrai : non pas dans les sacs ou les chaussures, la mode ou les bijoux, même pas dans la peinture et les parfums, non : il est dans la littérature. » Fin connaisseur de ce monde très français de la République des lettres - il est critique littéraire et membre du jury de deux prix- Arnaud Viviant décrit sans concession cet entre soi avec ses intrigues et ses vengeances mesquines. Il pose, de manière plus générale, le problème du vote utile, du consensus et de la démocratie représentative. Des questions graves et très actuelles, traitées avec humour dans une langue acerbe et inventive.


Station Goncourt, 120 ans de prix littéraires, Arnaud Viviant, La fabrique éditions, 2023.

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