Bristol, Jean Echenoz
- M.O et Fleur B.
- 14 mars
- 2 min de lecture
Un nouvel Echenoz, c’est toujours la promesse d’un plaisir de lecture : l’histoire de Robert Bristol, réalisateur médiocre qui prépare le tournage d’un nouveau film en Afrique, nous laissait espérer le portrait cocasse d’un anti-héros et le récit de savoureuses péripéties. Néanmoins, Bristol manque de nuance et de vraisemblance, il en devient presque caricatural - tout comme les autres personnages. Les femmes dans ce roman sont particulièrement problématiques car elles n’existent que dans leurs rapports aux hommes. Le lecteur peine à croire à leur existence et se désintéresse de leur histoire.
Bristol tient à la fois du policier, du making of de film, du récit d’aventure et de l’histoire d’amour. Mais si la dérision avec laquelle le narrateur désamorce le fil narratif qu’il vient de tirer est d’abord plaisante, elle fait aussi piétiner le récit. A force de frustrer nos attentes, comment le romancier peut-il nous accrocher à une intrigue que lui-même perd de vue ?
Certes, Echenoz, styliste hors pair, peut tout se permettre et ne s’en prive pas : il jongle avec les mots, joue avec le lecteur, varie les angles de vue. Meilleur cinéaste que son personnage, il nous surprend en allant jusqu’à décrire un pot à crayons du point de vue d’une mouche ! Le tout avec brio et désinvolture, dans cette langue fluide et rapide qu’on lui connaît. On savoure les trouvailles des premiers chapitres, les digressions jubilatoires, les références de connivence. Bien plus qu’aux êtres humains, Echenoz sait donner vie aux objets et aux paysages, comme dans cette description magistrale : « On voit tout de suite que ces arbres ne s’entendent pas entre eux. […] Ils se toisent en chien de faïence, duellistes se défiant avant de s’engager sur le pré mais, plantés là, ils sont bien obligés de vivre ensemble et de l’ombrager, ce pré, deux fois par jour. » Mais après un début éblouissant et des passages hilarants, les effets s’émoussent, le rythme ralentit, et le livre s’achève sur une pirouette. Le roman souffre finalement des défauts de ses qualités : on admire la maîtrise du romancier mais Bristol reste un être de papier désincarné et on regrette de ne pas être touché et embarqué.
Un roman virtuose, et souvent très drôle, qui ne tient pas toutes ses promesses.
Bristol, Jean Echenoz, Les éditions de Minuit, 2025, 208 pages.
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