Une année d’école, Giani Stuparich
- M. O.
- 21 mars
- 2 min de lecture
Une année d’école est un court roman, qui se déroule à Trieste, le temps de l’année scolaire 1909-1910, comme son titre l’indique. Dans le monde clos et uniquement masculin du lycée arrive une jeune fille de dix-neuf ans. Elève brillante et volontaire, Edda Marty a passé avec succès l’examen d’admission à la classe de terminale, ouverte depuis peu aux filles. Sa présence bouleverse l’équilibre de ce groupe de garçons, comme le redoutait l’un d’eux : « moi je dis que si cette friponne entre dans notre classe, elle va tous nous démolir. » Elle regrette d’avoir dû quitter Vienne, cette « vraie ville (…) où les femmes peuvent fumer, aller au café, rentrer tard le soir, traiter d’égal à égal avec les hommes et discuter avec eux » pour se retrouver dans « une petite ville de province » à la mentalité étriquée. Elle rêve de retrouver sa soeur installée dans la capitale et d’intégrer l’université : « Les études étaient le prix de sa liberté, la science qui l’attirait était un champ de rapports libres avec les hommes ; elle ne voulait pas être dominée, elle ne voulait répondre qu’à elle-même de sa propre vie. » Evidemment, plusieurs étudiants tombent éperdument amoureux de la jeune fille et elle-même ne peut résister longtemps à l’attirance qui la pousse vers l’un d’eux. Jalousie, déception, chagrin d’amour… l’histoire frôle alors la tragédie. Edda se sent malgré elle prise au piège, elle redoute d’être enfermée par les hommes dans un rôle féminin traditionnel - amante passionnée, épouse ou mère dévouée. Elle se souvient de la mise en garde de sa soeur : « Garde ta liberté de conscience et d’action (…) eux, les mâles, ils te tourneront autour parce que tu n’es pas une femme ordinaire (…) mais dès qu’ils le pourront, si tu leur cèdes, ils t’enlèveront ta liberté. »
Il n’est pas anodin que le roman se situe à Trieste, cité sous domination austro-hongroise qui aspire alors à être rattachée à l’Italie. La ville est tiraillée entre deux identités et revendique sa liberté comme l’héroïne qui rêve d’indépendance. Trieste, avec son port ouvert sur la mer, les rafales de la bora venue des montagnes et les échappées vers la campagne proche est aussi l’incarnation de l’appel vers un ailleurs.
Giani Stuparich analyse avec une grande finesse ce moment particulier du basculement entre l’adolescence et l’âge adulte, cette dernière année de lycée vécue ensemble avant que chacun prenne son envol. Et surtout il évoque avec beaucoup de justesse et de sensibilité, dans ce roman publié en 1929, le combat d’une jeune fille contre l’assignation sociale : « Vous ne m’avez pas comprise. Moi je voulais juste être l’un de vos camarades, mais vous m’avez toujours repoussée et ramenée à mon sexe, vous m’avez obligée à rester une femme pour que je vous fasse du mal. »
Une année d’école, Giani Stuparich, traduit de l’italien par Carole Walter, Verdier poche, 2024, 93 pages.
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