La Maison vide, Laurent Mauvignier
- M.O et Fleur B.

- 28 nov.
- 3 min de lecture
Les jurés du Goncourt n’ont pas hésité à récompenser La Maison vide et à reconnaitre ainsi l’ensemble de l’œuvre de Laurent Mauvignier. On retrouve en effet dans ce roman le petit village de La Bassée et les thèmes de la guerre, de la violence et des non-dits déjà présents dans Des Hommes, ainsi que son habileté à lier les histoires individuelles à celle du pays. Tout commence par une quête : celle de la Légion d’honneur de l’arrière-grand-père. Le roman se construit ainsi sous le signe de la disparition : celle de la médaille, d’un visage effacé sur les photos de famille et surtout celle d’un père. Laurent Mauvignier tente de comprendre ce qui a poussé son père au suicide, en reconstituant « une histoire familiale qui pose les prémices des questions qui (le) taraudent depuis (ses) seize ans, année du suicide de (son) père, sur ce qui pousse un homme comme lui à mettre fin à ses jours ». Il remonte alors le temps et nous livre une formidable fresque familiale. Elle a l’ampleur, le souffle, la fluidité (les longueurs aussi parfois) d’un roman du XIX° siècle. Quelque chose de balzacien dans la description du monde clos du village avec sa hiérarchie, ses rumeurs, ses ragots. De Zola aussi avec le récit de l’ascension et de la décadence d’une famille. Mais un Zola sans déterminisme : « rien n’est jamais tracé d’avance pour personne, d’ailleurs il n’y a pas de destin, il n’y a rien - juste la rencontre de plusieurs riens qui n’ont rien fait ni rien demandé ». Ce que cherche l’auteur c’est plutôt l’origine des traumatismes, le « mécanisme meurtrier » à l’œuvre depuis le mariage de Jules et Marie-Ernestine en 1905 jusqu’au suicide de son père en 1983.
Mauvignier fouille la maison vide et sa mémoire, s’appuie sur les lettres et les récits transmis par les femmes de sa famille mais n’effectue que peu de recherches. Il brode une fiction sans chercher l’exactitude ; il le revendique, il écrit un roman. Dans ce livre entièrement au présent l’auteur superpose avec virtuosité les différentes époques sans jamais nous perdre. Il nous place au plus près des nombreux personnages à qui il donne vie - la femme de Firmin, « l’ombre préposée aux confitures et aux chaussettes à repriser » qui gagne peu à peu la lumière, est l’un des plus réussis. Nous sommes aussi au plus près du romancier au travail et de ses interrogations. Il nous demande d’imaginer avec lui ou, au contraire, s’y refuse. Ainsi, lors de la permission de Jules, il choisit la pudeur et l’ellipse : « Imaginez : plutôt non, laissons-les à leur émotion et à la timidité, ou peut-être à l’effusion des retrouvailles. »
Le roman se déploie sur la première moitié du XX° siècle avec ses deux guerres mondiales : l’évocation de la première donne lieu à de très belles pages - notamment celle de la déclaration de guerre. Moins réussie, celle de la Seconde Guerre mondiale souffre de passages didactifs qui alourdissent le récit et n’échappent pas aux clichés. Cette Histoire de France est aussi et surtout celle des femmes, effacées, empêchées, broyées par le patriarcat : « sans les hommes, les femmes sont des ombres errantes et leurs voix se perdent dans la brume. » Mauvignier fait entendre les voix de ces oubliées.
La maison vide c’est ce livre qu’il remplit de mots, de personnages émouvants, du son d’un piano et des fracas de l’Histoire – une maison qui désormais reste habitée par ses lecteurs.
La Maison vide, Laurent Mauvignier, Les éditions de Minuit, 2025, 744 pages.

Un roman absolument magnifique ! ce sont les portraits des femmes qui m’ont touchée : 3 destins dans l’ombre et parfois la violence des hommes . 3 destins dont les sentiments,, les amours et les haines , les chagrins et les humiliations , les révoltes mais aussi la dévastation sont magnifiquement narrées. Tout est émotionnellement chargé , jusqu’au tragique que Laurent Mauvignier porte douloureusement en lui.
Laurent Mauvignier , c’est un style éblouissant , c’est une écriture très ample, pleine de ses phrases longues qui nous enveloppent dans le récit , pas de dialogue mais une profusions de notations , de précisions qui rendent chaque scène, chaque sentiment , d’une justesse époustouflante .
Bref pour moi c’est un chef d’œuvre et je…