Dans un roman puissant et envoûtant, Louise Erdrich interroge la notion de justice à travers l’histoire de deux familles Ojibwé, les Iron et les Ravich. Comment réparer l’irréparable ? Peut-on dépasser son désir de vengeance ? Comment aider à se reconstruire ceux que le chagrin dévaste ? Autant de questions que l’autrice explore avec force, subtilité et talent.
Les premières pages coupent le souffle, plongeant le lecteur dans un récit dramatique poignant : Landreaux Iron, « un catholique pieux et respectueux des coutumes indiennes », tue accidentellement à la chasse le fils de son voisin et ami Peter Ravich : « Quand la bête s’enfuit d’un bond, il se rendit compte qu’il avait touché autre chose – il y avait eu comme un mouvement désordonné lorsqu’il avait appuyé sur la détente. S’étant approché pour voir, il baissa les yeux et ne comprit qu’à ce moment-là qu’il avait tué le fils de son voisin ». La narration mêle ensuite adroitement présent et passé, dévoilant le poids des traditions et le rôle des fantômes du passé dans l’engrenage de la machine tragique qui vient de se mettre en place.
Face à l’inconcevable et l’irréparable, c’est dans les anciennes coutumes Ojibwé que Landreaux et Emmeline Iron vont chercher à rendre justice aux Ravich. Dusty avait cinq ans, tout comme leur propre enfant LaRose, ils décident donc - comme leurs ancêtres le faisaient autrefois - de donner leur fils en réparation. Mais la justice peut-elle encore se concevoir ainsi aujourd’hui ? Un fils peut-il en remplacer un autre, même s’il porte le nom mystique de LaRose ?
Le titre éponyme du roman en est ainsi le fil, tendu entre plusieurs époques : un nom qui se transmet de génération en génération et qui semble donner une aura toute particulière à celui ou celle qui le porte : « C’était un prénom à la fois simple et puissant, qui avait appartenu aux guérisseurs de la famille. Ils avaient résolu de ne pas l’employer, mais c’est comme si LaRose était venu au monde avec ». Il faut en effet toute la magie et la force de ses origines Ojibwé au jeune LaRose pour accomplir l’impossible, devenir passeur entre les mondes des vivants et des morts, médiateur entre deux familles dévastées, tout en restant un enfant du tournant du millénaire.
Conteuse hors-pair, Louise Erdrich donne à son récit des accents immémoriaux tout en l’ancrant fermement dans l’époque contemporaine. Le lecteur pénètre dans un monde isolé, une réserve du Dakota du Nord et reconstruit un fragment de son histoire grâce aux nombreuses analepses. C’est ainsi tout le sort d’une nation et la colère qui en émane qui se profile en arrière-plan.
LaRose est un roman magistral, sensible et percutant, sur le deuil et le pardon.
Larose, Louise Erdrich, 2018, éd. Albin Michel, 528 pages.
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