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Photo du rédacteurM. O.

La Barque de Masao, Antoine Choplin

Dernière mise à jour : 22 nov.

 

Un père et une fille se retrouvent. Il est ouvrier, elle est architecte. La vie les a séparés - on apprendra au cours du récit pourquoi et comment -  ils réapprennent à se connaitre et à se parler. Pas à pas, ils s’apprivoisent.  

 

Peut-être faut-il préciser que l’histoire se situe au Japon, entre deux îles-musées. Masao est « ouvrier rectifieur de première classe » dans une usine de l’île de Naoshima, après avoir été gardien de phare puis nettoyeur. Harumi participe à la construction du musée de Teshima, sur une île proche. Un bras de mer les sépare et plus encore, les années d’éloignement et la distance sociale. Un ferry les réunit ; de rencontre en rencontre, ils se racontent et se rapprochent. Masao est un homme solitaire et silencieux, habitué à la contemplation du paysage et la lecture de quelques livres de poésie, toujours les mêmes. Harumi fait découvrir à son père le musée Chichu sur l’île de Naoshima et l’oeuvre-musée à laquelle elle travaille à Teshima. En tant qu’ouvrier, Masao se sent d’abord illégitime dans ces lieux « trop bien rangés. Trop propres aussi.» Pourtant, un lien s’établit peu à peu entre le travail du rectifieur qui produit une pièce parfaite, façonnée au millimètre près, et celui de l’artiste.  

 

La question de l’art est en effet au coeur du roman et des relations entre les personnages, chacun en incarnant une facette. Par sa formation et son métier, Harumi appartient au monde de l’art institutionnel. Masao, ouvrier soucieux du travail bien fait, artisan détenteur d’un savoir-faire, est fier d’avoir construit une barque de ses mains. Quant à Kazue, la mère de Harumi, qui a réalisé un « Grand Puzzle » avec de minuscules cailloux et des « Kimonos-fantômes » avec des grains de riz, on pourrait dire que ses oeuvres relèvent de l’art brut. Alors, qu’est-ce que signifie être artiste ? Masao propose une réponse : cela aurait à voir avec le temps passé à fabriquer l’oeuvre et le besoin de solitude. Avec le caractère non utilitaire des objets suggère Harumi - il suffirait de presque rien pour que les pièces d’usine deviennent pièces de musée - et aussi avec le désir « d’attraper quelque chose d’insaisissable. Quelque chose de l’instant. » 

 

A petits traits, à petites touches « pièce après pièce », comme Macao construisant sa barque,  l’écriture pudique d’Antoine Choplin raconte la relation qui se tisse entre le père et la fille. Les dialogues distillés - pas un mot de trop - sont entrecoupés de silences ; les descriptions minutieuses de la nature et des objets immergent le lecteur dans la beauté des lieux. Masao est un homme simple et authentique, un personnage terriblement attachant qui rappelle le héros de Perfect days de Wim Wenders. Nous sommes au Japon certes, mais l’histoire est universelle puisqu’il s’agit d’art et de relation humaine.   

 

Dans le concert de la rentrée littéraire, Antoine Choplin fait entendre sa petite musique sensible et délicate. 

 

La Barque de Masao, Antoine Choplin, Buchet-Chastel, 2024, 202 pages. 

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