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Le convoi, Beata Umubyeyi Mairesse

Le 18 juin 1994, alors qu’elle est âgée de 15 ans, Beata Umubyeyi Mairesse échappe aux tueurs Hutus grâce à un convoi humanitaire organisé par l’ONG Terre des hommes : « L’opération de sauvetage était officiellement réservée à des enfants de moins de 12 ans, mais ma mère et moi avons pu en faire partie, cachées au fond d’un camion ». Elle est accueillie en France, y poursuit des études pour travailler dans l’humanitaire, devient écrivaine. Souvent invitée en tant qu’autrice à participer à des rencontres ou des colloques sur les génocides du XXème siècle, elle n’avait cependant évoqué le massacre auquel elle a survécu que par le biais de la fiction jusqu’à ce récit poignant.


En 2007, Beata Umubyeyi Mairesse commence des démarches pour retrouver des images du convoi de Terre des hommes sur lesquelles elle figure avec sa mère : une vidéo de la BBC tout d’abord - dont des amis leur ont parlé, plus tard une photographie publiée dans un magazine italien. La quête de l’image manquante s’associe rapidement à la recherche des autres enfants rescapés : eux aussi ont certainement le souhait de retrouver une trace de leur présence dans ces convois humanitaires auxquels ils doivent la vie. Or, Beata Umubyeyi Mairesse a en sa possession quatre photographies du convoi du 18 juin 1994 qui lui ont été remises par un journaliste présent ce jour-là. Ses recherches lui permettent de retrouver certains enfants, mais aussi l’homme qui les a sauvés : l’humanitaire Alexis Briquet qui a organisé les convois. Le livre lui rend un juste hommage, ainsi qu’à ceux qui étaient à ses côtés, humanitaires, photographes ou journalistes. Une petite poignée d’hommes et de femmes au courage stupéfiant quand tant d’autres, la France en tête, les ont abandonnés aux massacres. De rencontres en fausses pistes, de trouvailles en déceptions, l’autrice ressent de plus en plus intensément la nécessité de se réapproprier son histoire, celle des survivants du génocide, trop longtemps - mal - racontée par les Occidentaux. Pour cela, elle doit l’écrire, et en être enfin la protagoniste : « Il aura fallu quinze ans de cheminement incertain, une enquête menée aux confins de mémoires étiolées […] pour m’autoriser enfin à écrire cette histoire. La mienne et à travers elle, car il s’agit bien de me réinscrire dans un collectif, la nôtre, l’histoire des enfants des convois. »


Le convoi mêle au récit de l’enquête - qui dura quinze années - pour retrouver les autres survivants et documenter leur incroyable sauvetage, le témoignage de l’autrice, et celui d’autres enfants rescapés. Beata Umubyeyi Mairesse y mène aussi une formidable réflexion, nourrie par des références à des œuvres écrites par des rescapé.e.s de génocides, sur le devoir de mémoire et l’importance de rendre la narration des évènements à ceux qui les ont vécus : « il est plus que temps de prendre la parole pour raconter nos histoires, légender nos photos, et le faire dans les espaces que nous jugerons appropriés, sécurisants […]. Un lieu à nous, mémorial pour les enfants des convois. Ce livre n’en est que la première pierre ».


Le convoi, Beata Umubyeyi Mairesse, Flammarion, 2024, 334 pages.

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