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  • Photo du rédacteurM. O.

Fleur de roche, Ilaria Tuti

Fleur de roche rend hommage aux porteuses de Carnie qui ravitaillèrent les soldats italiens sur le front autrichien pendant la première guerre mondiale. Ilaria Tuti, autrice de romans policiers, s’attaque avec succès au genre du roman historique.


Elles sont plusieurs, des jeunes filles et d’autres déjà mères, à grimper de jour en jour la montagne. Avec leur hotte chargée de munitions, de provisions mais aussi de médicaments et de courrier, leurs jupes longues et leurs minces « scarpetz», elles franchissent un dénivelé de plus de mille mètres. Elles affrontent le froid, la neige, la fatigue et aussi le danger des tirs sur ces montagnes escarpées où seuls les mulets peuvent passer. Par patriotisme? Ou simplement parce que l’on ne peut pas laisser ces pauvres garçons mourir de faim là-haut.

L’autrice donne la parole à l’une d’entre elles, Agata Primus, la plus jeune et la plus instruite, qui devient en quelque sorte la porte-parole de ses compagnes. Elle raconte de manière très concrète la vie quotidienne, au front comme à l’arrière, la lutte contre la faim et le froid, la solidarité dans la misère. Elle commente aussi car à travers cette expérience c’est l’absurde et l’horreur de la guerre, de toute guerre, qui apparait. Le conflit oppose, des deux côtés de la frontière, des peuples proches par leur dialecte comme par leur mode de vie. Les soldats manquent de tout, souffrent de l’impréparation, des ordres absurdes ; certains désertent, au risque d’être fusillés.

Ilaria Tuti s’inspire de personnages et de faits réels qu’elle rapproche et resserre pour créer une trame romanesque - au risque, peut-être, d’une happy end improbable. Elle donne à cet épisode méconnu de la première guerre mondiale[1] une dimension épique et lyrique. Ces femmes héroïques sont les gardiennes de la vie ; elles accompagnent et protègent de la naissance à la mort, nourrissent les enfants, soignent les vieillards, ensevelissent les morts. La guerre est aussi pour elles l’occasion d’une certaine émancipation : « nous étions habituées depuis toujours à laisser les besoins de l’autre définir qui nous sommes. »




Ilaria Tuti, Fleur de roche, traduit de l’italien par Johan-Frédérik Hel Guedj, Stock La cosmopolite, 2023.

[1] En 1997, le président de la république italienne rendit hommage aux porteuses carniques et décora les survivantes nonagénaires.

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