C’est l’automne, le temps des feuilles mortes et d’un nouveau Modiano. La saison va bien avec l’univers évanescent et mélancolique du romancier. Toujours le même livre? « L’éternel retour du même» constate le narrateur. Une histoire de souvenirs dans un Paris perdu.
Le narrateur, un jeune homme qui vit de quelques travaux d’écriture, se souvient du petit Pierre, un enfant dont il s’était occupé dans sa jeunesse, et, plus vaguement, de sa mère, une danseuse. Au fil de courts chapitres, comme autant de flashs de souvenirs, il part à la recherche de ces fantômes du passé resurgis brusquement : « Un instant du passé s’incruste dans la mémoire comme un éclat de lumière qui vous parvient d’une étoile que l’on croit morte depuis longtemps. » Il tente, difficilement, de reconstituer l’histoire de cette femme et de son enfant. Les blancs des pages figurent ceux de la mémoire : « Il reste quelques morceaux d’un puzzle séparés les uns des autres pour toujours. » Dans un jeu d’emboitement, c’est cette femme elle-même qui croit ensuite avoir revu des personnes appartenant à son passé, les frères Barise qui l’avaient importunée autrefois.
On retrouve bien sûr les thèmes chers au romancier. Un Paris disparu qu’il évoque avec nostalgie et qu’il ne reconnait plus dans cette ville devenue parc d’attractions pour des touristes trainant leurs valises à roulettes telle « une armée en déroute ». Et les souvenirs de sa propre enfance - on repense à Pedigree - affleurent à travers le personnage du petit Pierre ballotté, abandonné. Mais surtout, et c’est peut-être le plus fort et le plus intéressant dans ce roman, l’auteur établit un lien entre la danse et l’écriture : « La danse est une discipline qui vous permet de survivre. » Le jeune narrateur - qui tient beaucoup du jeune Modiano - vit lui-même dans le flou, l’incertitude : « Je n’étais rien. Jour après jour, j’avais l’impression de flotter dans les rues ». Seule la littérature lui permet de se trouver, de mettre de l’ordre dans le chaos de sa vie.
Alors, toujours le même livre? Le même et un autre, et toujours le même plaisir de lecture.
La Danseuse, Patrick Modiano, Gallimard, 2023, 95 pages.
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