La Foudre est de ces romans qui nous happent, que l’on pose à regret pour s’y replonger avec hâte et plaisir. Pierric Bailly mène avec brio le récit d’une histoire d’amour suspendue au verdict d’un procès. Julien, dit John, berger saisonnier dans le Jura, voit son quotidien bouleversé le jour où, par hasard, il lit dans le journal qu’Alexandre est accusé de meurtre. Alexandre dont il a partagé la chambre à l’internat. Alexandre qu’il a tant admiré, tant envié, au point de lui emprunter son rire. Alexandre qu’il pensait rayé de son existence mais qui resurgit toujours au moment où sa vie semble enfin stable et heureuse : « Quand on y repense l’influence de ce type sur ma vie est démente. Ce type avec lequel je n’ai rien partagé d’important et que j’ai finalement peu fréquenté est à l’origine de tous les tournants décisifs de mon existence ». Julien est en effet sur le point de quitter les pâturages jurassiens pour rejoindre Héloïse, la femme qui partage sa vie depuis plusieurs années, à la Réunion où ils espèrent fonder une famille. L’étrange fait divers ne semble en aucun cas compatible avec la douceur d’Alexandre ; Julien se rapproche alors de Nadia, la compagne d’Alexandre, afin d’en savoir plus. Poussé par la curiosité, ému par sa détresse, Julien accepte ce rôle indéfini que lui attribue dès leurs retrouvailles la jeune femme : « Je ne sais pas ce qu’elle attend de moi ; elle ne le sait peut-être pas non plus. » Grâce à la narration à la première personne, le lecteur est au plus près des sentiments de Julien, quand les autres personnages restent - comme pour lui – insaisissables, inaccessibles, opaques.
Le charme du roman de Pierric Bailly réside autant dans la description de la faune et de la flore jurassienne ou de la vie d’un berger contemporain - qui joue avec les clichés de l’ermite misanthrope - que dans le suspense lié au procès et au triangle amoureux. La topographie est un régal, d’autant plus lorsque l’on est en terrain connu. Et les randonneurs ne verront assurément plus les bergers du même œil : « Voilà ce que je devrais leur dire quand ils me posent la question de savoir ce qui est le plus dur : le froid, la pluie, les orages, la solitude ? C’est toi, c’est vous, c’est tous les gens qui viennent me casser les pieds ».
La Foudre, Pierric Bailly, P.O.L, 2023, 458 pages.
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