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Les Enfants endormis, Anthony Passeron

Dans son très beau récit Les Enfants endormis, Anthony Passeron reconstitue patiemment et prudemment une histoire familiale dans laquelle silences, non-dits et réécriture de la vérité ont longtemps maintenu dans l’ombre son oncle Désiré, mort du sida. Personne ne parle de lui, tous éludent les questions à son sujet. Mais son souvenir est bien présent, tout comme celui de sa fille Emilie, chagrins imprescriptibles dans lesquels s’est noyée sa famille. « Chacun à sa manière a confisqué la vérité. Il ne reste aujourd’hui presque plus rien de cette histoire. […] Ce livre est l’ultime tentative que quelque chose subsiste. Il mêle des souvenirs, des confessions incomplètes et des reconstitutions documentées. Il est le fruit de leur silence. J’ai voulu raconter ce que notre famille, comme tant d’autres, a traversé dans une solitude absolue. » Anthony Passeron remonte aux origines, à l’histoire de ses grands-parents qui tiennent une boucherie dans un village de montagne de l’arrière-pays niçois, tentant ainsi d’expliquer leur silence, la honte qui fut la leur. Car Désiré et sa femme se droguent, contractent le Sida, et malgré les efforts désespérés des leurs pour les faire décrocher, rien n’y fait, pas même la naissance d’une petite fille. A la mort de ses parents, Emilie est élevée par ses grands-parents. Commence alors un nouveau combat : la petite fille est née séropositive. Dans cette terrible histoire familiale se détache peu à peu le portrait, poignant, de la grand-mère, gardienne intraitable du silence qui sauvera les apparences, la réputation de la famille, peut-être même - dans un entêtement désespéré - la vie de sa petite-fille.


En parallèle, et dans un montage brillant, l’auteur entreprend de retracer l’histoire scientifique et sociologique du virus du Sida. Il rend ainsi un hommage mérité aux chercheurs français qui, en dépit d’un monde médical frileux et sceptique, ont poursuivi avec acharnement leurs recherches pour identifier cette maladie dont personne ne voulait entendre parler, puis pour tenter de l’éradiquer - ou du moins de l’endiguer. L’alternance des chapitres crée une certaine tension dans la narration, espoirs et échecs des uns et des autres se répondent et tiennent ainsi le lecteur - pourtant averti et sans illusions - suspendu à sa lecture.


Les Enfants endormis, Anthony Passeron, éditions Globe, 2022, 288 pages.

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