Les Pauses de la vie, Maria Messina
- M. O.
- 11 août
- 2 min de lecture
Autrice du début du siècle dernier, Maria Messina a connu un destin tragique. Elle publie plusieurs romans et recueils de nouvelles mais, atteinte par une sclérose en plaques, elle doit renoncer à écrire et meurt en 1944. Ses livres, tombés dans l’oubli, sont redécouverts dans les années 1980 et aujourd’hui traduits en français. Dans ses textes, d’inspiration en partie autobiographique, elle décrit des existences simples, souvent de femmes qui tentent de s’émanciper.
Paola, la protagoniste des Pauses de la vie, mène ainsi une vie routinière et laborieuse auprès de sa mère dans le petit village de San Gersolè. Le père parti en France n’est pas revenu, le fils est à la guerre. La jeune fille, qui travaille au bureau de poste, étouffe dans la médiocrité de ce coin perdu. Elle souffre des commérages de ses collègues et des humiliations de la pauvreté. Elle rêve de la ville proche, et surtout de Florence. Matteo, son amoureux, son seul confident - qu’elle voit secrètement car sa mère n’approuve pas la fréquentation de ce jeune homme sans fortune - part poursuivre ses études à la ville. Mais seuls les garçons font des études supérieures et se préparent à devenir médecin ou professeur. Pour échapper à la morne répétition des jours, Paola se plonge dans la traduction d’un roman anglais - activité que sa mère juge inutile et improductive. Aux lendemains de la Grande Guerre, les possibilités se restreignent encore pour les femmes, sommées de retourner à la maison et de laisser les emplois aux anciens combattants. Paola perd son travail. Quelle marge de liberté reste-t-il alors à la jeune fille prise entre le poids des origines et les conventions sociales ?
Maria Messina excelle à évoquer dans ses moindres détails ces vies modestes faites de petits riens et ce désir d’ailleurs, d’autre chose qui anime et tourmente son héroïne : « La terre est pleine de coins minuscules où végètent des gens qui pensent à toute sorte de choses et qui meurent d’envie de voir d’autres lieux, de changer d’habitudes - et nul ne sait qu’ils existent. » Son écriture sobre, précise et limpide comme les existences qu’elle raconte est à l’image des traductions de Paola qui traque le mot inutile : « elle corrigeait assidûment, polissant avec la précision méticuleuse de qui n’est pas pressé (…) les pages chargées d’adjectifs lui rappelaient les bavardages de la Parigi et la sonnerie du téléphone. »
Les Pauses de la vie, Maria Messina, traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli, Editions Cambourakis, 2025, 135 pages.
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