C’est un petit livre étrange, découvert par hasard. Petit par son format et son nombre de pages. Etrange par son titre et le nom de son auteure. Après quelques recherches, on apprend vite que « Simone » est en fait le pseudonyme de Pauline Benda, actrice et femme de lettres du siècle passé. A quatre-vingt-treize ans, elle écrit ce dernier livre, Mon Nouveau Testament, confession autobiographique sur son parcours de vie et ses croyances.
Issue de la bourgeoisie juive parisienne, Pauline Benda est marquée très jeune par la mort de son père. Sa foi est ensuite ébranlée sous l’influence de son frère aîné, étudiant en philosophie. Elle entreprend des études à la Sorbonne, suit les cours de psychologie expérimentale de Théodule Ribot au Collège de France et les expériences de ce dernier sur les malades à la Salpêtrière et à Sainte-Anne. Au grand dam de sa mère, qui exige que sa fille mette fin à ses visites à l’hôpital et suive des cours de diction… si bien qu’elle devient actrice et épouse son professeur de diction. Mais le grand amour de sa vie est Alain-Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes de dix ans son cadet avec lequel elle vit à partir de 1913 une brève liaison passionnée[1]; le jeune officier meurt prématurément en septembre 1914.
Revenant sur les événements qui ont marqué sa vie, elle raconte dans son ultime ouvrage comment la mort brutale des deux hommes qu’elle a le plus aimés et l’importance de la science et de la raison l’ont éloignée de la religion. Même si ne plus croire en un au-delà veut dire se résigner à ne jamais retrouver les êtres chers disparus, elle refuse les fausses consolations : « Je ne me rappelle pas être jamais retournée au pays où tout est possible, où tout s’explique et se comprend. J’ai dû me satisfaire d’exister dans l’ignorance. Assoiffée de certitude et n’ayant que celle de partager dans le gouffre de la mort le sort incertain de ceux que j’ai aimés. » Elle confie aussi le rôle qu’a joué dans sa formation son institutrice anglaise protestante. Par son exemple et son enseignement celle-ci lui a inculqué un certain stoïcisme, une règle de vie qu’elle résume ainsi : « Bear it, my child.» Au terme de son existence, elle ne croit plus en Dieu, elle croit en l’Homme : elle admire les êtres exceptionnels, les savants et les artistes mais aussi « ces citoyens obscurs qui sont la mousse sur quoi nous nous appuyons. »
Malgré sa vie très remplie, sa carrière au théâtre et ses fréquentations brillantes, Pauline-Simone reste humble et proche, jamais donneuse de leçons : « On ne trouvera dans ce petit livre ni système philosophique ni révélation suprême. Rien que les fruits doux-amers d’une expérience à moi imposée par l’accumulation des jours. » Son style est naturel et limpide, à peine marqué d’une légère et délicieuse influence symboliste.
Simplicité et élégance. Le petit livre d’une grande dame.
Mon Nouveau Testament, Simone, Gallimard, 1970, 97 pages.
[1] Leurs lettres ont été publiées : Alain-Fournier- Madame Simone, Correspondance, 1912-1914, édition établie, préfacée et annotée par Claude Sicard, Paris, Fayard, 1992.
Commenti