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Veiller sur elle, Jean-Baptiste Andrea

Michelangelo Vitaliani, dit Mimo, est bien décidé à suivre le destin tracé par sa mère à sa naissance : être un sculpteur aussi talentueux que Michelangelo Buonarroti. Pauvre, de petite taille, malmené par l’oncle qui le prend comme apprenti, il a néanmoins un don certain et de multiples revanches à prendre sur la vie. Sa rencontre avec Viola, belle et intrépide descendante de l’illustre famille Orsini, vient bouleverser son existence et lui ouvre de nouveaux horizons, ceux de la littérature, de la science, du savoir et… de l’amour. Le jour où Stefano Orsini – le frère de Viola - l’humilie devant tout le village, son ambition prend un nouveau tour : « Ma vengeance serait du vingtième siècle, ma vengeance serait moderne. Je m’assiérais à la table de ceux qui m’avaient repoussé. Je deviendrais leur égal. Si je pouvais, je les dépasserais. » Veiller sur elle est donc un roman d’apprentissage dans lequel Mimo est propulsé au sommet quand Viola se bat, en vain, contre les carcans de son rang et de son sexe.


Avoir obtenu le prestigieux prix Goncourt dessert assurément Veiller sur elle. Le lecteur ne peut qu’être déçu par l’absence d’originalité formelle et narrative et parfois la pauvreté du style. Néanmoins, le roman fonctionne grâce à l’utilisation maîtrisée de ficelles narratives et de motifs romanesques efficaces et bien rodés. Les chapitres alternent - du moins dans un premier temps - entre le présent d’un vieil homme agonisant et le récit de sa vie, qui devrait peu à peu éclaircir le mystère de sa présence dans un monastère. Ce dispositif convenu - peu convaincant dès le départ - s’essouffle rapidement au profit de chapitres consacrés au passé. Autre défaut du roman, la prolifération des thèmes abordés : arts, politique, religion, amour, montée du fascisme, superstitions, cirque, Cinecittà, pègre, soins psychiatriques d’un autre âge, tremblement de terre, etc. Tout y est, mélange assez foutraque sensé rendre compte de l’Italie de la première moitié du XXème siècle, mais qui balaie l’Histoire avec une légèreté et des raccourcis assez déconcertants. Enfin, l’histoire d’amour platonique entre un jeune homme de petite taille, ignare et misérable, et une belle et riche héritière hypermnésique rejoue de grands classiques de la littérature sans grande finesse.


Le roman tisse donc des canevas éprouvés. Cela étant dit, il le fait plutôt bien. Les premières pages instaurent un suspense qui tient la longueur de ce roman (mais malheureusement pas tellement sa résolution, une déception). Quel secret recèle la pietà de ce sculpteur talentueux et oublié, son chef-d’œuvre caché dans les sous-bassement d’un monastère? Sur le point de rendre son dernier souffle, Mimo reparcourt sa vie, riche en péripéties et en rebondissements qui l’ont conduit d’un cirque au Vatican, de la misère au luxe, d’un atelier en prison, faisant ainsi le plaisir du lecteur - s’il recherche avant tout le romanesque.


Veiller sur elle, Jean-Baptiste Andrea, éditions L’iconoclaste, 2023, 580 pages.

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